Cette semaine, je vais vous parler du deuxième livre de Tal Madesta, La fin des monstres. Le premier s’appelle Désirer à tout prix chez Binge Audio et je vous le recommande chaudement. La fin des monstres est édité par la revue La Déferlante dans laquelle il a beaucoup écrit sur son parcours de transition. J’ai remarqué qu’on demandait souvent à Tal si le titre de son livre La fin des monstres était un pied de nez à celui de l’écrivain et philosophe trans Paul Preciado qui s’appelle Je suis un monstre qui vous parle. Fair enought : l’avant propos commence par une référence à celui ci et au discours qu’il avait prononcé en 2019 devant plus de 3500 psychanalystes, puisque la psychanalyse, et plus largement la société, a fait des personnes trans des monstres. Il avait voulu montrer qu’ils peuvent aussi prendre la parole, voilà ce que la formule de Preciado voulait dire. La fin des monstres de Tal Madesta n’est pas une critique de cette formule mais c’est plutôt une proposition d’un autre regard. La fin des monstres dont Tal nous parle dans son livre, c’est, à la fois la fin des personnes trans vues comme monstrueuses, même si c’est encore loin d’être le cas dans notre société transphobe, mais c’est aussi et surtout la fin des vrais monstres, c’est à dire les transphobes, parce que ce mythe de la monstruosité, toute la pathologisation qu’il y a autour de la transidentité, ce n’est bien qu’un miroir tendu. Coucou les transphobes, souriez, vous êtes démasqués. C’est un peu ce que Tal veut dire dans ce livre là. Il écrit d’ailleurs : « Je ne suis pas un monstre qui vous parle. Je ne suis qu’une meilleure version d’eux mêmes, qui aspire à la paix, à la dignité, à la tranquillité, au sommeil, à l’amour, à la justice pour moi même et pour mes semblables. » Il dit aussi : « que vivent les personnes trans et que meurent les monstres ». Voilà un beau résumé qui était dans l’avant propos.
Le livre, je dirais que c’est un petit peu un hybride à plusieurs têtes, un peu entre essai bien informé, plaidoyer et récit autobiographique. C’est toujours très sensible aussi dans l’écriture. J’ai remarqué aussi qu’on parlait beaucoup des personnes trans comme un seul tout homogène qui partagerait les mêmes opinions, les mêmes obstacles, les mêmes expériences, les mêmes réalités et objectifs. Evidemment, surprise, il y a d’autres expériences et puis surtout, il y a autant d’expériences que de personnes trans. Tal, dans son livre, nous montre un peu son expérience et justement, même la sienne comporte son lot de singularités, de rebondissements et de contradictions. On y découvre, dans ce livre, plein de moments de vie qui ne se ressemblent pas entre eux et qui sont matérialisés par dix parties : s’oublier, sauter, piquer, s’armer, douter, se battre, disparaître, s’inventer, vivre, et puis une dernière partie qui m’a beaucoup touché·e, qui s’appelle aimer. C’est une lettre d’amour déchirante à Farah. Vous l’aurez deviné, on passe par toutes les émotions. Loin de dépeindre comme on a tendance à le faire le parcours de transition comme la libération ultime, qui dissolverait tous les problèmes et permettrait d’accéder à une forme de félicité sans accroc, ou alors la transidentité comme un simple ressenti psychologique, c’est vraiment un récit intime, très militant et surtout très honnête que Tal Madesta nous livre. Il va par exemple parler de l’urgence de se mettre en sécurité face à son père violent pendant l’enfance et expliquer qu’il n’avait pas le temps d’envisager sa transidentité parce qu’il devait avant tout sauver sa propre peau. Il parle de ses doutes, de ses vérités, de sa communauté qui lui tient beaucoup à cœur. On sait combien ça peut coûter aux personnes trans d’être vulnérables aussi publiquement, je voulais donc juste dire merci à Tal de le faire parce que je sais qu’il a eu de nombreux doutes sur ce livre et pour autant, avec tous les retours qu’il y a eu, je pense que c’était la bonne décision de le publier. Aux États-Unis, il n’y a pas beaucoup de livres à propos de la transidentité mais il y a entre autres Stone Butch Blues, c’est un livre que j’ai dû lire en trois été parce qu’il est vraiment dur à lire, il m’a vraiment torpillé·e, mais en France, il y a vraiment peu de récits. Pour moi, Tal fait partie d’une nouvelle génération d’écrivains qui parlent de politique, d’intimité et de transidentité, avec vraiment beaucoup de sensibilité et surtout beaucoup de sincérité. Je vous encourage donc à acheter ce livre. Soutenez ce genre de récit, soutenez les associations qui s’organisent en faveur de l’émancipation des personnes trans et allez shopper votre exemplaire de La fin des monstres qui est disponible dans toutes les bonnes librairies aux éditions La Déferlante.
Par Audrey Couppé de Kermadec, journaliste