Audrey [00:00:22] C’est l’heure de la reco intello pour vous, j’ai épluché les programmations des musées, j’ai chiné les dernières sorties de bouquins et j’ai même passé en revue la liste des événements sur Facebook. Tout ça pour vous pondre une reco culturelle que même votre pote le plus artiste ne connaît pas. Je vais vous parler de l’expo qui a lieu au Centre Pompidou à Paris qui s’appelle « Décadrage Colonial » et qui est gratuite. Alors, j’ai eu l’idée d’y aller grâce à ma très chère amie Adeline Rapon qui est photographe, et qui fait souvent des recos culturelles sur son compte Instagram. Et cette expo, elle est là depuis le 7 novembre, mais j’en ai eu vent que maintenant, elle dure jusqu’au 27 février, il vous reste à peu près un mois pour aller la voir. Je répète, c’est gratuit, donc pourquoi se priver ? Cette expo-là, si on pouvait la résumer, je dirais « ne visitez pas l’expo coloniale ». C’est un peu le condensé de ce qu’on trouve dans cette exposition. Petit rappel historique : en 1931, il y a eu ce qu’on a appelé « L’exposition coloniale internationale » à Vincennes, et le but de cette exposition c’était de promouvoir l’empire colonial. C’était un énorme événement avec 8 millions de visiteurs qui étaient venus pour faire le tour du monde en un jour. C’était le slogan de l’époque. C’était 110 hectares avec des cases indigènes, des villages soudanais, des pavillons de l’Algérie, de la Guadeloupe, du Cameroun et du Togo, une savane africaine et même un musée des colonies avec un aquarium tropical et une petite salle des fêtes, sûrement pour célébrer l’asservissement de tous ces peuples. Le pire dans tout ça, c’est qu’il y avait des villages reconstitués où on a obligé des personnes, arrachées de tous les pays d’Afrique ou il y avait aussi des Kanaks (des peuples de Nouvelle-Calédonie), que l’on a obligés à se mettre en scène dans des décors exotiques, devant des millions de spectateurs et de visiteurs. En fait, ce sont des zoos humains à ciel ouvert. Bien sûr, à l’époque il y a eu des opposants, notamment des communistes et des surréalistes. Mais donc, c’est d’eux que l’exposition parle. Elle montre la contre exposition qui a été organisée à l’époque, qui s’appelait « La vérité sur les colonies » (il n’y a pas eu autant de visiteurs malheureusement), il y a des textes, il y a des œuvres contestataires plus ou moins problématique et très universalistes, de type « on ne voit pas les couleurs ». Mais bon, on était en 1931 alors passons. L’Expo montre aussi des archives, des œuvres qui réfutent en fait tout cet imaginaire colonial et raciste qui était très présent à l’époque, et qui l’est encore si vous voulez mon avis, avec des récits parfois inventés de toutes pièces qui véhiculaient des idées très clichés, très racistes avec la figure du sauvage et du sauveur blanc. Puis dans l’exposition, il y a quand même un bémol, car il y a pas mal de photos avec la sexualisation des corps noirs et des corps racisés. Ça me pose question d’en afficher autant, même si cela a un but universitaire pour apprendre tout ce qui s’est passé à cette époque-là, ça me gêne toujours de voir soit la violence sur les corps racisés ou soit cette nudité crue, notamment porté de cette manière-ci aux yeux de toutes et tous, et sans que cela soit réellement consenti. Ce sont tous ces mouvements-là qui ont été mis en lumière. Il y a aussi les mouvements intracommunautaires, des personnes des colonies qui étaient directement visées, avec notamment un bel accent sur la notion de négritude. Ça a aussi été rendu possible grâce à des figures comme Aimé Césaire qui revendique l’identité noire et sa culture. Il y a tout donc ce tout ce mélange d’œuvres d’archives que je trouve vraiment très important. En conclusion, c’est une expo qui à avoir lieu jusqu’au 27 février, dépêchez-vous, je le répète, c’est gratuit, et ça change un petit peu du discours trop indulgent concernant la France et ses colonies. Ça montre l’autre pendant, avec tous les mouvements qui ont été organisés contre ça. Mais il y a quand même pas mal de défauts, par exemple les surréalistes qui étaient contre ce mouvement-là à l’époque, contre cette exposition coloniale, n’étaient pas non plus des anges. 

Pour connaître le meilleur de Nouvelles Écoutes et ne rater aucun épisode du studio, inscrivez-vous à notre newsletter !